Découvrez le cheminement tumultueux du scientifique au musée universitaire de Gand
Le 3 octobre le Gents Universiteitsmuseum ou GUM ouvre ses portes. Dans un premier temps, il restera ouvert jusqu’à la fin du mois d’octobre, complètement «coronaproof». Ainsi Gand dispose d’un nouvel atout intéressant. Dans ce musée, vous ne trouverez ni vérités ni triomphes de la science, mais bien un éclairage sur les doutes et la beauté inhérents à sa pratique en partant d’objets issus des collections de l’université.
Nous sommes tous habitués aux musées d’art, d’histoire, à thème ou d’une ville, mais moins aux musées universitaires. Tout commence par l’existence d’une collection. Comme n’importe quelle université séculaire, celle de Gand en possède plusieurs, impressionnantes, constituées dans le cadre de ses missions scientifiques.
Le célèbre artiste graffiteur ROA a peint une fresque sur le bâtiment qui abrite le GUM. Pour cette fresque, il s'est inspiré des collections d'histoire naturelle du musée.© M. Devijver
Si la plus connue est sa collection de livres, abritée dans la Tour aux livres ou Boekentoren de la bibliothèque, elle conserve aussi des appareils scientifiques, des pièces archéologiques et ethnographiques, des collections naviguant dans les domaines géologiques, de la médecine et des sciences naturelles, y compris des préparations, sans oublier ses armoires remplies d’espèces animales empaillées et d’herbiers riches en botanique. Un soupçon de cet héritage académique (le plus grand de Flandre avec ses quatre cent mille pièces) a été présenté en 2017 dans l’ouvrage 200 jaar UGent in 200 objecten (200 ans d’histoire de l’UGent
en 200 objets).
Œil de mammifère© M. Deceuninck
Le GUM va un cran plus loin et les intègre dans un concept de musée novateur. La directrice, Marjan Doom, explique combien il fut difficile d’assimiler des collections vastes et hétérogènes dans un «récit unifié». En 2013, une association fut créée pour centraliser la gestion de ces collections et tenter plusieurs expériences en montant des expositions communes (Post Mortem [2015] et Out of the Box [2018]), tandis qu’on cherchait à définir l’esprit du futur musée.
Ce qui frappa Marjan Doom dans ses échanges avec les scientifiques, c’était que personne ne pouvait donner une réponse univoque à la question de savoir ce qu’est précisément la science, un concept variable en fonction du savant interrogé.
Le Dragon volant© A. Coene
Plus encore, douter, débattre, oser penser et repenser, reprendre et reformuler des positions semblait inhérent à la pratique scientifique. Le musée souhaite aujourd’hui faire de cette faiblesse sa force, et devenir une sorte de «forum pour la science, le doute et l’art».
L’objectif du GUM n’est pas d’exposer les triomphes de la science. Marjan Doom ne croit pas dans le scientisme. Le musée ne veut pas exhiber des vérités scientifiques, mais bien illustrer les doutes et la beauté de sa pratique en partant d’objets qui, auparavant, remplissaient une fonction de recherche et didactique, mais renferment désormais une curieuse valeur artistique.
Si le GUM n’est pas pour autant un cabinet de curiosités, sa collection invite à s’étonner. Le charme d’anciens microscopes. L’ingéniosité avec laquelle des vaisseaux capillaires rayonnent dans des préparations et moulages anatomiques. La beauté de modèles de fleurs du XIXe siècle auxquelles vous rêveriez d’offrir une place d’honneur dans votre salon. L’excentricité d’une armoire pleine de pinsons de Darwin ou d’un squelette animal grandeur nature.
Modèle mathématique© A. Coene
La collection du musée est présentée dans une disposition ouverte, agencée autour des thèmes du chaos, du doute, du modèle, de la mesure, de la fantaisie, de la connaissance et du réseau. Tous les objets exposés tendent vers quelque chose de plus grand, vers les progrès de la science, mais aussi, en fin de compte, vers la vie en société telle que nous la connaissons aujourd’hui. Marjan Doom considère son musée comme un lieu «présentant la science sous la forme d’un concept créatif, en évolution constante et pluraliste.»
«Dans notre nouveau musée, le visiteur suit le cheminement tumultueux du scientifique, qui part d’une feuille blanche, puis avance avec des hauts et des bas pour trouver une réponse. Ou pas», explique-t-elle. Le musée évolue sur une corde raide, en équilibre instable: comment montrer la fragilité et la complexité du processus scientifique sans mettre sa crédibilité en péril? Pour répondre à cette question, Marjan Doom a écrit Het museum van de twijfel (Le Musée du doute), un livre conçu comme un manifeste, dont la sortie doit coïncider avec l’ouverture du musée.
Modèle en liège du Panthéon par Antonio Chichi (1743-1816)© A. Coene
Le GUM caresse des ambitions internationales et participe à des réseaux dont font également partie, à titre d’exemple, ses homologues de Cambridge et Oxford. En Flandre, il vise aussi bien un public jeune, de quinze à vingt-cinq ans, pour qui une visite peut s’apparenter à une immersion dans l’érudition scientifique, que les amateurs de culture et de musées. Situé juste à côté du musée des Beaux-Arts et du musée des Arts modernes, non loin de celui de la ville de Gand, le GUM fonde beaucoup d’espoirs sur l’attractivité et la dynamique d’un véritable «quartier des musées».
La communauté scientifique envahira régulièrement les lieux, suffisamment spacieux pour organiser des salons et pourvus d’un GUM Forum. Avec une vue magnifique sur le jardin botanique et le palmarium, deux autres curiosités à visiter.
